J’avais six ans, je jouais autour de la maison de ma grand-mère, dans un petit village de Corrèze, lorsque je vis une chouette chevêche pour la première fois de ma vie. Elle était clouée à la porte d’une porcherie, les ailes déployées. Sa tête penchait sur le côté. Un vieux voisin m’expliqua que c’était un oiseau de malheur et que sa crucifixion avait pour effet de conjurer le mauvais sort.
La dernière fois que j’en vis une d’aussi près, c’était il y a quelques semaines. Une jeune chouette chevêche a atterri dans le poêle. Deux grands yeux jaunes fixaient mon épouse à travers la vitre. Elle est retombée trois fois depuis et il a fallu installer une grille au sommet de la cheminée pour mettre fin à ses explorations dangereuses. À chaque repêchage, notre visiteuse du soir s’est laissée saisir docilement, puis s’est envolée pour rejoindre ses congénères qui l’appelaient depuis le sommet du toit de notre maison.
Présente sur les pièces grecques
Ce petit rapace nocturne de la famille des strigidés (chouettes et hiboux) est très actif le jour également et il n’est pas rare de la voir débouler aux abords des maisons ou des vergers qui lui offrent le gîte, dans les arbres creux, et le couvert par la présence d’insectes dont elle raffole. La chouette chevêche est également appelée chouette des pommiers.
Elle est l’animal symbolique de la déesse grecque Athéna ou Minerve chez les Romains, qui incarne la connaissance et la sagesse. Elle fut le symbole de la ville d’Athènes, l’emblème de la république lors des guerres avec d’autres cités et figure toujours sur les pièces grecques d’un euro. La chouette chevêche se nourrit de proies nombreuses et variées, comme les vers de terre, les rapiettes, les gros insectes, les chauves-souris, les passereaux et les batraciens. Sa double vie de rapace nocturne et diurne suscite la convoitise de nombreux prédateurs domestiques comme les chiens et les chats, mais aussi sauvages comme l’épervier, la buse et même sa cousine la chouette effraie.
La pie bavarde jacasse dans nos jardins
Vénérée dans l’Antiquité, crainte au Moyen-Age
Cet oiseau vénéré dans l’Antiquité a été craint et détesté depuis le Moyen-Age jusqu’au XXe siècle dans nos campagnes, car il était considéré comme messager de la mort. Son cri plaintif, sorte de « kiouit » sonore et répétitif, sa vie nocturne, ses grands yeux jaunes rehaussés de sourcils blancs qui lui donnent un air docte et sévère à la fois, sont certainement à l’origine de ces croyances. C’est fou comme le mécanisme ignorance-peur-haine fonctionne bien et depuis longtemps !
Attention à vos cheminées ! Très curieuse, la chouette chevêche a la fâcheuse habitude de s’engouffrer dans les cheminées et pylônes creux. Non, elle ne se prend pas pour le Père Noël mais est juste victime de sa curiosité. Mieux vaut donc protéger par une grille le conduit de votre cheminée pour ne pas vous retrouvez face à face avec l’oiseau apeuré, mais inoffensif. Dans le cas contraire, vous devrez jouer les sauveteurs.
En voie de disparition
La chouette chevêche est en voie de disparition en France, malgré un statut légal de protection depuis 1972. Les pesticides (encore eux), la disparition de gros insectes comme les hannetons ou les criquets, la transformation des paysages ruraux et la circulation routière en sont les causes principales.
Lorsque je les aperçois ou les entends, en arrivant chez moi, je me surprends à sourire, conscient de la chance que nous avons d’avoir des chouettes chevêches pour voisines. Je me dis que l’implication de chacun d’entre nous à recréer un petit espace de biodiversité autour de chez nous, en plantant des arbres et des haies, en proscrivant les produits chimiques sous toutes ses formes, peut sauver de nombreuses espèces. Et que l’addition de toutes nos « oasis » en bordure de nos campagnes désertées par la faune pourrait participer à sauver l’écosystème et la biodiversité.
Christian Lainé
August 01, 2020 at 01:55PM
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La double vie de la chouette chevêche - lepopulaire.fr
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